C’est vrai, l’atelier est un refuge de vérité au milieu d’un monde sophistiqué (1). Pourquoi ? Parce qu’on n’y traite pas les personnes comme des êtres produits en série, qu’on les considère pour ce qu’elles sont : des individus uniques.
Ainsi, à l’atelier, il n’y a pas les enfants, les femmes, les pauvres etc.
Réfléchissez un instant et vous réaliserez que, pour notre plus grand malheur, notre monde ne cesse de produire des catégories.
Ouvrez internet, ce que la plupart d’entre nous font tous les jours, ouvrez un journal ou, tout simplement, ouvrez les yeux et vous trouverez au moins une publicité. Tous ces outils de communication vous parleront de catégories : migrants, seniors, délinquants, étudiants, soignants… Nous étouffons littéralement de ces appellations qui nous maintiennent en groupes séparés. Nous disparaissons, noyés dans des entités abstraites. Lorsque nous tentons de lutter contre cet engloutissement, nous nous regroupons à nouveau en catégorie, pour ne pas dire troupeau, qui se révolte contre une autre catégorie. Nous ne nous identifions pas comme l’homme cisgenre, la militante, le Français issu de l’immigration, l’adolescente, l’autiste… et pourtant, c’est ainsi que nous sommes nommés, classées, nous nous retrouvons constamment cloisonné (ée, ées, éexxs???) dans une case qui se heurte aux murs d’autres cases.
C’est épuisant, cauchemardesque.
Heureusement, cela n’a aucune réalité. Il s’agit de constructions.
L’atelier déconstruit tout cela.
Lorsqu’on y entre, on enfile une blouse et l’on enlève tous ces déguisements qui rendent l’intérieur inaccessible et si étrange à soi-même (2).
Ce que l’on retrouve dans ce refuge de vérité, ce n’est pas une solitude résignée face à tant de sophistication. Bien au contraire, on rencontre enfin les autres, on renoue avec notre humanité. Nous sommes nous-même parmi les autres.
Alors, le monde change, on baigne dans une ambiance indescriptible, on se réconcilie. On ne devient pas béat, surtout pas mièvre, absolument pas lisse, ni même bienveillant. Non, il y a même une certaine violence dans l’atelier, la saine violence de la vie, celle du désir assouvi par un mélange qui nous convient, de la franche déception face à une coulée inattendue, de l’insupportable attitude sociale du voisin novice. Dans cette violence il y a une douceur infinie, celle de l’absence de jugement parce qu’on reconnaît le besoin de l’autre, l’impatience de celui-ci, la gêne de celle-ci, la satisfaction de tel autre. Nous nous reconnaissons, nous nous traversons, nous sommes ensemble, différents et semblables.
Ce que nous ressentons alors, c’est la vie… et une liberté qui ne dépend plus de l’extérieur, inattaquable, incommensurable.